Après avoir conquis la sphère du vélo à travers les VAE (vélo à assistance électrique), l'électrique arrive chez les motards. Réelle révolution ou tendance passagère ? Coup d'œil sur le futur de la moto.
Des passionnés divisés
L’électrique sonne encore comme une hérésie pour une grande partie des motards : on n’entend plus le doux bruit du moteur, finies la mécanique et les vibrations, bye bye la boite de vitesses. Car pour beaucoup, la moto ne se résume pas seulement au fait de piloter, mais aussi à toutes les activités qui entourent la pratique, à commencer par les heures de bricolage et d’optimisation.
On peut s’en étonner mais de tous les freins que peut représenter l’électrique, c’est bien l’absence de bruit à l’ouverture de la poignée de gaz qui est le plus gros d’entre eux. Entendre le passage de rapports, comprendre sa moto grâce aux sons qu’elle émet est une vraie source de plaisir et de satisfaction pour les passionnés.
Timidité de l'off-road, explosion créative côté route
Bien que quelques grands constructeurs se soient penchés sur la construction de modèles électriques off-road comme l’a fait Yamaha avec la TY-E, modèle dédié au trial, la plupart des acteurs n’ont pour le moment pas franchi le pas. Alta, la frime californienne, grand espoir électrique de la moto tout terrain avec son modèle Redshift pouvant rivaliser avec les 250 4 temps, a failli mettre la clé sous la porte en 2018 avant d’être rachetée
par la firme canadienne BRP, mettant fin à une success story de 10 ans. Alta a tout de même prouvé que l’électrique suscitait une vive curiosité auprès des pratiquant ; attestant au passage que l’électrique nécessite, pour être rentable, des investissements importants et des départements R&D solides. Plusieurs outsiders ont tenté leur chance sur ce marché prometteur, on pense notamment à la firme française Electric Motion ou aux américains de chez Zero Motorcycle, qui croient tous deux à l’électrique dur comme fer et qui essayent tous deux de proposer de réelles alternatives.
Les grands constructeurs, très timides sur le marché du Off-Road sont majoritairement représentés par KTM avec sa Freeride-E et par Yamaha avec l’annonce de sa trial TY-E.
Côté route, BMW arrive avec son C-Evolution, et Harley-Davidson a présenté sa LiveWire quand Yamaha rejoint la course via ses scooters EO1 et EO2. Il semblerait même qu’en cherchant un peu on puisse trouver des brevets concernant une MT07 et une R1 électrique….
De son côté, l’entreprise australienne SuperSoco a mis l’accent sur le design, la personnalisation et l’accessibilité pour ses gammes de scooters et motos embarquant des motorisations développées avec Bosch.
Saluons aussi l’audace la startup française Newron, qui présente un modèle au design incroyable.
En 2019, on dénombrait près de 3000 immatriculations de deux roues électriques de plus de 125cc (en équivalent) pour une augmentation de 94 % sur l’année précédente : les chiffres gonflent, la demande aussi. Les constructeurs s’attaquent à une nouvelle course à la performance, non pas une course de vitesse, mais plutôt une course vers l’autonomie et la recharge rapide.
Et en pratique ça donne quoi ?
Sur le papier, l’électrique est pourtant prometteur quant au niveau performance, sa longévité et son agrément de conduite !
Un couple démentiel, un moteur paramétrable facilement, peu d’entretien, une recharge au coût dérisoire, l’absence de pollution sonore, aucun rejet de gaz d’échappement, l’électrique a de sérieux arguments pour pénétrer le marché.
Imaginez un peu : que diriez-vous d’un terrain de cross en pleine ville, d’un circuit bitumé entre deux lotissements, de pouvoir pratiquer le tout-terrain en zone sensible sans déranger les animaux sauvages, ou encore d’apprendre à votre enfant la moto dans votre jardin sans déranger les voisins ?
Julien Perret, trialiste de renom et pilote Electric Motion nous l’a confirmé lors de son interview pour Outsiders :
"l'électrique permet de rouler quand on veut, où l'on veut".
Julien Perret
Malgré tous ces avantages, l’électrique souffre néanmoins de plusieurs défauts, bien que les batteries soient onéreuses et malgré les progrès incontestables qui permettent à cette technologie de devenir de plus en plus accessible, il reste néanmoins 2 défauts majeurs à ce type de motorisation : le temps de recharge et l’impact du niveau de batterie sur les performances.
Les véhicules électriques ont en général une autonomie plus faible que les véhicules thermiques même si leur capacité permet de répondre à la plupart des usages. Le problème de l’électrique n’est pas véritablement l’autonomie mais plutôt la recharge. Julien Perret nous a confié lors de son interview qu’il avait dû adapter son organisation lors de son passage sur sa Electric Motion et donc diviser son entrainement entre le matin et l’après-midi afin de faire recharger sa moto lors de la pause déjeuner. Ce problème de temps de charge ne lui permet pas de retourner s’entrainer aussi rapidement qu’un plein d’essence. Aujourd’hui, les performances de l’électrique ne cessent de croître, par exemple une ZERO SR/F propose jusqu’à 320 kilomètres d’autonomie pour une recharge éclair en 60 minutes pour un coût anecdotique. Cela peut justifier amplement une pause déjeuner entre amis le temps que sa bécane se refasse une santé !
Toutefois, quelques années en arrière, l’industrie de l’électrique a fait face à au paradoxe de l’œuf et de la poule : les véhicules électriques ne pouvaient pas exister sans solutions de recharges appropriées et le modèle économique d’une station de recharge ne tenait pas sans un minimum de véhicules à recharger.Les technologies ont progressé, les chargeurs sont plus rapides, puissants et surtout plus nombreux et accessibles grâce une évolution des infrastructures routières.
Et l'écologie dans tout ça ?
Si le fait que les motos électriques n’évacuent aucun gaz d’échappement est un fait indubitable, il n’est pas raisonnable d’en faire un modèle absolu de solution à la préservation de l’environnement. En effet, les batteries des moteurs électriques sont composées pour partie de matériaux dont l’exploitation et la transformation posent de nombreux problèmes. Ainsi, on sait que les conditions d’extraction du cobalt en République Démocratique du Congo sont dramatiques en terme de sécurité. C’est sans compter les déséquilibres géopolitiques que peuvent impliquer l’extraction du lithium en
Amérique du sud. C’est sans compter les déséquilibres géopolitiques que peuvent impliquer l’extraction du lithium en Amérique du sud. C’est dans ce sens qu’Amnesty International, en 2019, dénonçait une attitude des constructeurs visant à présenter l’électrique comme vertueux sur le plan écologique alors qu’ils fabriquent une grande partie des batteries à l’aide de combustibles fossiles polluants et des minéraux extraits dans des conditions non respectueuses des normes éthiques.
Ceci étant dit, la Fédération européenne pour le transport & l’énergie a souhaité trancher le débat à travers une étude qui annonce finalement qu’une voiture thermique émet en moyenne 3 fois plus de CO2 dans l’atmosphère qu’une voiture électrique sur l’ensemble de son cycle, production comprise.
Ce qui est certain, et c’est là la bonne nouvelle, c’est que la conscience environnementale et éthique est de plus en plus prise en compte par les constructeurs et les clients. Résultat : qu’ils soient thermiques ou électriques, la conception des moteurs avance dans la bonne direction.
Tout bien considéré, il nous semble judicieux de considérer l’électrique comme un nouveau terrain de jeu qui ouvre des perspectives de nouvelles pratiques, de nouvelles sensations, pour des nouveaux passionnés, c’est aussi simple que ça !